Après le lancement, en mars 1974, du programme
Mesmer de production massive d'électricité d'origine nucléaire,
la Direction de l'EDF a demandé à ses agents de se «répandre»
à travers toute la France à la recherche de sites pour l'implantation
des 150 à 200 centrales qu'il était prévu de construire
d'ici à l'an 2000. D'abord réservées, les populations directement concernées sont rapidement devenues franchement hostiles à l'installation des centrales. La Direction d'EDF a subi des échecs sévères. Depuis deux ans elle «promène» une centrale entre Angers et St-Nazaire sur le bord de la Loire: les sites de INGRANDE, CORSEPT, LIRE ont dû être successivement abandonnés à la suite de référendum exprimant massivement le refus des populations d'accepter l'installatibn de centrales nucléaires. Ces refus gênent considérablement la Direction d'EDF dans la réalisation de son programme de développement «tout nucléaire». Aussi maintenant celle-ci s'incruste, ignorant dédaigneusement les avis des populations exprimés démocratiquement: vote des conseils municipaux, de conseils généraux, larges consultations des populations. Elle choisit soigneusement certains élus locaux, leur fait visiter les centrales de Chinon et de Saint-Laurent-des-Eaux... et les bons restaurants de la vallée de la Loire. Des enquêtes d'utilité publique sont ouvertes en cachette, des constructions sont entreprises sans autorisations officielles. Devant de telles manoeuvres les populations et les élus locaux ont des difficultés à faire triompher leur bon droit. Une possibilité existe: le recours à la loi. Nous voudrions ici évoquer brièvement cette possibilité: nous y reviendrons plus longuement dans une prochaine Gazette. Signalons tout de suite que cette forme d'opposition, si elle est judicieusement utilisée, peut se révéler très efficace : l'effrondrement du programme électronucléaire aux Etats-Unis est dû en partie au harcellement juridique qu'ont subi les constructeurs d'installations nucléaires. La loi française permet moins de possibilités. Elle peut néanmoins être efficace dans de nombreux cas [1]. - Le décret [2] du 14 mai 1976, relatif à la procédure d'enquête d'utilité publique, oblige les responsables d'EDF à foumir les renseignements et les explications qui leur sont demandés. L'EDF peut être obligée à la suite des observations et remarques des populations de proposer un autre projet que celui qu'elle avait initialiement étudié. Si les procédures ne sont pas strictement respectées, si les objections formulées n'ont pas été retenues, si les conclusions de la commission d'enquête sont insuffisamment motivées, l'annulation de l'enquête d'utilité publique peut être demandée auprès du tribunal administratif. (suite) | suite: - L'article 2 de la loi du l0 juffiet 1976 relative à la protection de la nature s'applique aux installations nucléaires. «Les travaux et projets d'aménagement qui sont entrepris par une collectivité publique ou qui nécessitent une autorisation ou une décision d'approbation ainsi que les documents d'urbanisme doivent respecter les préoccupations d'environnement. Les études préalables à la réalisation d'aménagement ou d'ouvrages qui, par l'importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d'impact permettant d'en apprécier les conséquences... Si une requête déposée devant la juridiction administrative contre une autorisation ou une décision d'approbation d'un projet visé à l'alinéa 1er du présent article est fondée sur l'absence d'études d'impact, la juridiction saisie fait droit à la demande de sursis d'exécution de la décision attaquée dès que cette absence est constatée selon une procédure d'urgence». Il faudra attendre les décrets d'application de la loi du 10 juillet pour apprécier son efficacité réelle. Ces décrets doivent paraître prochainement. - Dans les deux mois qui suivent la parution au journal officiel du décret déclarant d'utilité publique une installation nucléaire, un recours peut être fait auprès du tribunal administratif pour demander son annulation. Pour plus de renseignements on consultera la revue Actes no 10 sur «le nucléaire et le droit » (page 21 à 30). On peut la demander: 1, rue des Fossés Saint-Martin, 75005 PARIS (8 francs). 1. Conscients des difficultés que pourrait entraîner l'application de la loi, les pouvoirs publics ont par décret du 31.12.1974, rendu inapplicable les dispositions de la loi antipollution du 16.12.1964 relatives aux rejets des effluents radioactifs. En 1974, la Direction d'EDF avait rencontré les premières oppositions à l'implantation des centrales nucléaires. Est-ce que ceci explique cela? 2. On peut se le procurer au Journal Officiel, 26 rue Desaix, Paris, 15e. p.7 |