Décision planté par les «experts» de l'industrie nucléaire pourrait porter ses fruits dans 1.000 ans au lieu de 100.000 ans et plus Hypothèse 1: on ne sépare pas les américium, les Curium et les reliquats" de Plutonium des produits de fission. Il faut alors, après un stockage transitoire de refroidissement (les déchets de haute activité dégagent environ 200 kW/m3 de chaleur 10 ans après avoir été retirés du réacteur), prévoir un stockage définitif sur des millions d'années (à cause des transuraniens). Hypothèse
2: on sépare la totalité des transuraniens d'avec les
produits de fission. D'un côté les produits de fission doivent
alors être stockés sur une échelle de temps plus courte,
de l'ordre de mille ans, d'un autre côté deux possibilités
peuvent être envisagées pour les uraniens:
a) l'élimination spatiale (ils pèsent moins lourds que les
produits de fission: environ 300 kg/an/par réacteur de 1.000 MW(e),
b) la transmutation qui a pour but de former, par fission dans un réacteur
à neutrons rapides, les transuraniens en produits de fission, de
manière à se ramener au stockage «millénaire»
Examinons chacune de ces hypothèses:
L'hypothèse 1 suppose réglé un confinement définitif
sur notre planète. Les experts penchent actuellement pour des structures
géologiques continentales profondes qui recevraient ces déchets
vitrifiés. D'après des experts, récemment réunis
par le «Groupe Interministériel d'Evaluation de l'Environnement»
et qui formèrent le Groupe de Travail «Evaluation des Options
Techniques sur les déchets radioactifs» (janvier 1976), «un
accident maximal constitué par une conjonction de circulations d'eaux
souterraines entraînant vers la biosphère des fuites notables
de radioéléments que relâcheraient des défaillances
simultanées de toutes les barrières, tout en étant
de probabilité faible, n'est pas totalement impossible» -
De fait, on sait qu'aux EtatsUnis, la seule mine de sel désaffectée
qui été retenue, située à Kansas, s'était
révélée perméable à l'eau. De plus,
on connaît très mal tous les paramètres caractérisant
le transfert ou la rétention physico-chimique des éléments
par adsorption. Tabler sur l'hypothèse 1 semble actuellement pour
le moins aventureux.
La séparation chimique considérée dans l'hypothèse
2 au niveau de l'usine de retraitement, n'est absolument pas au point.
Elle est actuellement à l'étude au niveau du laboratoire
(notamment à Oak Ridge). Elle se heurte à la difficulté
suivante: une séparation chimique très complète implique
généralement sur le plan industriel la production de grandes
quantités de solvants, solutions aqueuses actives, etc., qu'il faut
de nouveau purifier. En effet, pour être ramené à un
stockage «millénaire», il faut effectuer des cycles
de séparation conduisant à des facteurs de récupération
de l'ordre de 50 pour le plutonium et de 1000 pour l'Americium et le Curium.
On en est donc à étudier le principe d'un procédé
évitant cet inconvénient. A supposer cependant que les transuraniens
aient été complètement séparés, la faisabilité
industrielle de la transmutation et de l'évacuation spatiale est
loin d'être évidente.
En ce qui concerne le C.E.A., on s'oriente vers le schéma suivant:
non séparation des transuraniens, vitrification et espoir que plus
tard (d'ici 50 à100 ans) on ait trouvé une «meilleure»solution
pour reprendre les déchets contenus dans ces verres pour s'en débarrasser.
D'autre part, le stockage définitif sur des millions d'années
est toujours considéré ! Il s'agit tout de même d'un
véritable pari.
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Mais le plus gros pari est probablement celui que l'on fait sur les capacités
politiques des sociétés futures de régler le problème
de nos déchets, à supposer même qu'elles en aient les
capacités techniques. En effet, le plus gros danger est le laxisme,
la notion de «problèmes prioritaires à régler»,
de «restrictions financières», etc., qui risquent fort
de conduire à une situation où on laissera tranquillement
les déchets dans des cuves en inox, ou sous formes vitrifiées
dans des casemats bétonnées (il y en aura alors beaucoup),
en remettant toujours à plus tard leur évacuation «définitive».
Des accidents pourront alors se produire (rappelons-nous des fuites dans
les cuves en acier de l'aire de stockage de Hamford aux USA), et l'on considèrera
alors devant l'ampleur du problème qu'il est urgent d'attendre!
En somme une pollution rampante, insidieuse dont les gouvernements risquent
de prendre leur parti. C'est pourquoi il faut que les reponsables administrent
la preuve que les déchets seront pris dès maintenant en compte
par eux-mêmes, avant même de se lancer dans leur production
massive.
Donc, du point dç vue de l'environnement, on peut dire que:
a) en ce qui concerne les rejets, il n'a pas été donné
une priorité à la rétention (c'est-à-dire à
un stockage provisoire permettant à la radioactivité de décroître)
du 8SKr et du tritium (cette rétention serait tout de
même prévue pour la fin du siècle, à une époque
où l'accumulation de 85Kr conduira à des phénomènes
de reconcentration au niveau de certains usages industriels, et où
le tritium «civil» aura largement atteint, puis dépassé,
le tritium «militaire» dispersé dans l'environnement
par les explosions nucléaires des années 60. D'ailleurs une
des raisons de l'arrêt des explosions nucléaires atmosphériques,
était liée à la pollution radioactive provenant de
ces expériences. Les expériences souterraines par contre,
continuèrent par la suite. Ceci ne fait que confirmer que le retraitement
est conçu d'abord sous son aspect commercial et rentable.
b) En ce qui concerne l'avenir des déchets de haute activité,
on est dans une totale incertitude sur leurs effets à long terme.
Il est vrai que l'on n'a peut-être pas à se soucier des générations
futures et que, ce qui compte, c'est que le système actuel de gaspillage
continue à tourner.
3. Sur le plan international, il apparaît que le retraitement conduit à la dissémination du plutonium dans le monde. cela peut se faire de plusieurs façons:
1. retraitement de combustibles irradiés par les pays eux-mêmes
ou par le vendeur qui réexpédie le plutonium à son
client,
2. «retraitement» de combustibles neufs contenant du plutonium
(combustible enrichi à 1% du Pu pour la filière à
eau légère, combustible contenant 25% de Pu pour les surrégénérateurs).
Il faut dire ici que, contrairement à ce qui est souvent dit, ce
plutonium, quelle que soit pratiquement sa composition isotopique, peut
servir à faire une bombe atomique. Ceci nécessite environ
6 à 7 kg de plutonium issu d'un PWR (comparé à 4,4
kg pour du plutonium militaire enrichi à 80-90 % en 239Pu).
Il est enfin illusoire de compter sur l'A.I.E.A. [6] pour tenir
un compte précis du plutonium stocké ou produit dans un réacteur
(possibilité de pilotage du réacteur - à l'insu de
l'A.I.E.A. - de masnière à modifier la quantité et
la composition isotopique du plutonium, possibilité de jouer sur
les écarts de bilan du Pu dans les usines de retraitement).
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Il est essentiel, pour un pays comme la France,
ayant misé massive ment sur l'énergie nucléaire, que
le problème des déchets radioactifs soit correctement et
rapidement résolu.
- Avec le développement massif des Centrales Westinghouse (PWR)
les stocks de déchets vont s'accumuler: il faudra «faire quelque
chose» sous la pression de l'opinion publique.
- Pour résoudre la crise prévisible de l'approvisionnement
en uranium (les ressources mondiales d'uranium sont du même ordre
de grandeur que les réserves mondiales de pétrole), il faudra
rapidement relayer la filière Westinghouse par la filière
surgénératrice. Or celle-ci utilise le plutonium comme combustible.
Mais ce plutonium n'existe pas dans la nature. Il faut l'extraire des ombustibles
irradiés. Et il en faut des quantités importantes.
Le retraitement est donc un maillon essentiel du programme électronucléaire
français. Malheureusement pour les défenseurs du «tout
nucléaire», c'est aussi un des maillons les plus faibles.
Nous avons vu tous les problèmes soulevés par le retraitement
et non résolus à ce jour:
- Techniques: il n' existe, à ce jour, dans le monde, aucune usine
susceptible d'absorber des quantités industrielles de combustibles
irradiés. Par ailleurs, le stockage à long terme des déchets
radioactifs n'est pas résolu.
- Ecologiques: l'usine de retraitement est une des installations les plus
polluantes de l'industrie nucléaire.
- Sociaux: dégradation des conditions de travail liée au
développement massif de l'électronucléaire (cf. grève
de La Hague).
- Economiques: la «rentabilité» du retraitement est
sérieusement mise en doute aux USA.
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Mais le retraitement pose un problème de politique internationale
qui risque rapidement de reléguer au second plan tous les problèmes
soulevés plus haut: c'est celui de la dissemination de l'arme nucléaire.
Retraiter les combustibles irradiés signifie produire, à
l'échèlle industrielle, des quantités importantes
de plutonium. Il est clair qu'un certain nombre de pays qui veulent acheter
des usines de retraitement (Brésil, Pakistan, Corée du Sud),
ou se lancer dans l'industrie nucléaire (Afrique du Sud, Iran, Irak),
le font pour accéder à l'arme atomique. Il est clair aussi
que l'enjeu d'une telle dissémination est formidable: c 'est tout
l'équilibre (combien fragile et discutable !) des forces depuis
30 ans qui risque d'être remis en cause. Les grandes puissances ne
peuvent pas ne pas réagir. Elles l'ont d'ailleurs déjà
fait. Les USA ont:
- réussi à faire annuler les contrats de vente d'usine de
retraitement de la France à la Corée du Sud et maintenant
au Pakistan (pour ce dernier, la décision n'est pas encore officialisée,
mais elle ne fait guère de doute). Ceci a été obtenu
à la suite de pressions dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles
n'ont pas brillé par leur discrétion.
- décidé de renoncer eux-mêmes au retraitement des
combustibles irradiés en raison des risques de prolifération
liés à l'extraction du plutonium «l'élimination
du risque de prolifération doit avoir la priorité sur les
intérêts économiques».
Les surgénérateurs, dont la France est si fière, risquent
fort d'être promis au même avenir que Concorde. Et sans surgénérateurs,
c'est tout la cohérence du programme électronucléaire
français qui s'effondre
6.
L'A.I.E.A. dispose de 80 inspecteurs pour 300 installations!
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