CAP AU SUD
Née à Alfortville, l'éolienne
a trouvé ses premiers clients au Pôle Sud. L'Institut français
pour la recherche et la technologie polaires (IFRTP) a en effet commandé
cinq CH10 pour sa base de Dumont d'Urville, en Terre-Adélie.
Ainsi, la machine installée à Fraisse-Cabardès partira
pour l'Antarctique à la fin de l'année, durant l'été
austral, et elle sera rejointe en 2002 par quatre autres machines.
Ce modèle sera décliné fin 2001 pour les latitudes
moins exigeantes en une version nommée Cap Horn 12/5,3.
La CH10 saura-t-elle séduire
les développeurs de projets éoliens? «C'est une
machine originale qui va devoir trouver des marchés de niche»,
analyse
Jean-Marc Bouchet, directeur d'Energie du Midi. «Dans tous les
cas, une aide financière sera nécessaire, car la rentabilité
n'est pas possible avec le prix de vente annoncé».
La
Cap Horn 12/5,3 sera vendue environ 250’000 F non installée.
Soit 60% plus cher que les machines de Vergnet, son concurrent sur cette
gamme de puissance en sites isolés. Seul un passage à la
production industrielle pourrait changer la donne. Cita a d'autres projets
en vue: outre une déclinaison vers des petits modèles de
2 kW et 500 W, le constructeur cherche à financer
le développement d'un aérogénérateur caréné
de 600 kW. Diamètre du rotor: 25 m, 30 m avec le carénage,
contre 43 à 45 m pour une éolienne classique de cette puissance.
Un pari jugé audacieux par les spécialistes. «Cita
est passé avec succès de prototypes carénés
de 1 m de diamètre à la CH10 de 5 m»,
analyse
Philippe Rocher, directeur du cabinet Metrol. «Mais un diamètre
de 30 m représente un saut d'échelle très important.
Trouver les technologies et les matériaux permettant au carénage
de demeurer rigide malgré sa forte prise au vent ne sera pas simple».
Autre difficulté à prévoir,
l'insertion de l'éolienne dans le paysage. «Une éolienne
carénée occupe beaucoup l'espace, même si son rendement
élevé permet un diamètre plus modeste», avertit
Jérôme Billerey, directeur adjoint de l'entreprise Vergnet.
Enfin, Philippe Bruyerre, directeur d'Espace Eolien Développement,
pose la question de l'écobilan de cette machine. «Certes,
les pales sont plus petites, mais le carénage rajoute beaucoup de
matériau». Il est vrai que la CH10
supporte 1500 kg en haut de son mat, quand les rotors classiques
de 12 kW pèsent moins de 700 kg. «Ceci ne
peut qu'augmenter les coûts de production, de transport, de mise
en oeuvre et d'entretien. Si le principe est intéressant sur le
papier, la réalisation de l'éolienne carénée
me laisse sceptique».
Doutant lui aussi de la pertinence d'un modèle
caréné de 600 kW, bien que séduit par la prouesse
technique, Bernard Pellat, correspondant d'EDF dans l'Aude pour les énergies
renouvelables, pense toutefois que la CH10 pourra
trouver sa place «pour électrifier des sites isolés,
près des maisons, car elle est peu bruyante ».
[1] ce chiffre est supérieur à la limite théorique de Betz, car le carénage crée une surface d'entrée supérieure à celle balayée par le rotor.
C'est à Altamont Pass, épicentre de
l'éolien en Californie, que la première éolienne carénée
vit le jour dans les années 20. Mais son concepteur, l'ingénieur
et homme d'affaires Dew Oliver, fit faillite avant de pouvoir la diffuser.
On retrouve le concept en 1961 aux Etats-Unis, où Grumman peaufine
un prototype au coefficient de puissance très intéressant.
C'est de ces travaux que s'inspire actuellement Vortec Energy, société
installée en Nouvelle-Zélande.
Ce constructeur a su créer l'intérêt
pour ses éoliennes carénées à travers des publicités
dans les publications spécialisées, mettant en scène
par le truchement de photos ces énormes aérogénérateurs
au ras du sol ou des flots. Alors que plusieurs modèles carénés
de 500 W à 25 kW doivent arriver sur le marché, Vortec Energy
assure concentrer à présent son développement sur
une éolienne carénée de 3,5 MW dotée d'un rotor
de 54 m de diamètre, qui devrait voir le jour en version terrestre
et offshore. Toutefois, Vortec Energy «est en retard sur Cita
sur le développement, qui semble plus difficile que prévu»,
constate
Pascal Berlu, de l'Ademe.
Encarts:
1997: premier prototype Cita, 1998-2000: conception
et études, 2000-2001: réalisation
L'entreprise Cita est portée par le groupe
"Gestion service entreprise financière" (GSEF), une "holding familiale"
de six sociétés active notamment dans le bâtiment et
les travaux publics.
Coût: 2,8 millions d'euros; Financement GSFF
81%, Anvar 15%, Région Champagne-Ardenne 4%