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Phytorestore: la santé de la planète par les plantes (France)


     Après quinze ans passés au sein du cabinet d'étude Site et Concept, maître d'œuvre spécialisé dans l'écologie urbaine, Thierry Jacquet a créé Phytorestore.  Inventeur en 1999 du principe du " Jardin filtrant ", il souhaite voir fleurir la phytoremédiation, biotechnologie de plus en plus utilisée en Amérique, qui utilise les plantes pour traiter les pollutions .
    Restaurer des ressources essentielles comme l'eau, les sols ou l'air en utilisant la capacité de certaines plantes à fixer, extraire, modifier ou détruire un polluant (charges organiques, plomb, azote, phosphore, germes...), c'est ce que propose la phytoremédiation. Cette biotechnologie fait l'objet de très nombreuses recherches à travers le monde depuis les années 90 (800 espèces végétales sont recensées à ce jour).  Thierry Jacquet les a expérimenté depuis quinze ans au sein du cabinet d'étude Site et Concept. Aujourd'hui, ce spécialiste de l'écologie urbaine vient de créer Phytorestore, pour pouvoir développer et gérer les solutions de phytorestauration qu'il a mises au point comme maître d'œuvre.

Jardin filtrant pour nettoyer la nature
    Le Jardin filtrant, concept de filtre végétalisé " pour traiter la planète " a été élaboré en 1999. Phytorestore vient d'inaugurer, en juin 2003, une nouvelle installation permettant " un traitement de l'eau usée zéro rejet " pour la commune rurale d'Escamps, dans l'Yonne. Située au milieu d'un parc de ce village de 500 habitants, qui regroupe une aire de jeux, et des terrains de sport, ce jardin filtrant paysager reçoit les eaux usées de la commune, acheminées par des canaux enterrés. Traversant tout d'abord un premier filtre vertical, l'eau est débarrassée de ses charges organiques. Un filtre horizontal permet ensuite de traiter les germes, l'azote et divers autres polluants. Enfin, au bout du jardin filtrant, une aire d'infiltration et d'évapo-transpiration traite l'eau résiduelle et permet d'assurer "zéro rejet" à l'extérieur du site. Les ressources de ce jardin sont même réutilisées, les plantes fauchées servant de compost puis d'engrais pour le parc.

Zéro pollution visuelle
    "Ce qui est très important, c'est de rendre la ressource première réutilisable, et surtout d'intégrer les solutions de traitement dans l'urbanisme, sans pollution visuelle, commente Thierry Jacquet, créer un site dans la cité, c'est un principe de l'écologie urbaine". Phytorestore qui envisage de dépolluer ou traiter des décharges, des rivières, des fleuves, des canaux, des boues urbaines, ou encore des eaux pluviales (pour alimenter des sanitaires) a déjà à son actif des réalisations d'envergure : une station d'épuration lancée à Honfleur pour les eaux usées de quatre communes, un jardin traitant les eaux pluviales au cœur de Toulouse, un autre sur une friche industrielle de 12 hectares à Caen ou encore la restauration d'une ancienne décharge en base de loisir de 26 hectares à Amiens. La société souhaite aussi pouvoir acquérir des terrains pour ouvrir des espaces de "remise en forme pour terres malades".

Applications à grande échelle aux Etats-Unis
    La phytoremédiation a de beaux jours devant elle selon Thierry Jacquet. Le concept de la phytoremédiation s'est généralisé dans le monde depuis 2000 grâce à plusieurs programmes de recherche, mais c'est surtout aux Etats-Unis qu'elle a été mise en application à grande échelle. Un cabinet américain, cité part le magazine Usine Nouvelle, estime le marché américain à 30 millions de dollars et le marché mondial, entre 235 à 400 millions de dollars en 2005. Si, aux Etats-Unis, une cinquantaine d'entreprises se partagent ce marché, en Europe, les entreprises sont très peu nombreuses et la phytoremédiation est surtout un sujet... de recherche. Un vaste programme européen, COST 837, a été lancé, en 2000, pour mettre au point les premiers essais sur le terrain.

Des atouts reconnus...
    Pourtant les atouts sont importants : coûts réduits (10 à 100 fois moins cher que les techniques physico-chimiques ou mécaniques), qualité biologique des ressources préservée pour une réutilisation, méthodes douces pour l'homme et l'environnement, absence de co-produits nocifs, pollution visuelle évitée, recours à une ressource renouvelable que sont les plantes...Cette approche responsable nécessite un changement de vision, qu'appelle de ses vœux Thierry Jacquet : "Il faut considérer un matériau pollué, tel que la boue d'épuration, comme une ressource potentielle, et non un déchet.. Le terreau obtenu par phytoremédiation peut, par exemple, servir d'amendement pour un espace vert."

... mais des freins encore nombreux
    "Le traitement par les plantes est long et nécessite un espace important, alors que le coût foncier en ville est de plus en plus élevé," explique encore Thierry Jacquet. Pour lui, la raison majeure du retard français repose sur l'absence de volontés politiques importantes. Il rend donc un hommage appuyé à la " conscience " des élus qui ont opté pour sa solution écologique. Dans une note de synthèse, l'INRA de Bordeaux estime que " le développement des opérations de dépollution reste sous la dépendance de l'action réglementaire, récente dans ce domaine, et des moyens financiers faibles que les entreprises sont prêtes à consacrer à cet " investissement non productif" Thierry Jacquet, souligne aussi le manque de recherche appliquée : " L'idéal est de créer des pôles de compétences, comme cela a été fait à Lyon ou Lille, où des synergies sont établies avec des entreprises de ce secteur pour faire avancer les applications concrètes. Paradoxalement, en Ile-de-France où besoins et débouchés sont immenses, il n'y a pas de pôle de compétences sur Paris."