Energie solaire: une promesse qui réchauffe
Extrait du magazine CAMPUS (Uni de Genève)
No 5, juin-juillet... 1990

La situation semble particulièrement favorable à Genève, où des études très détaillées ont été réalisées. Et les coûts de
production de l'électricité solaire ont déjà fortement diminué. Ne provoquant aucun effet sur l'environnement, le
solaire pourrait devenir très compétitif au cours des prochaines décennies.

    Des données de base peuvent être obtenues à l'institut Suisse de Météorologie à Zurich ou à Cointrin. Mesures, évaluations
et modèles détaillés peuvent être obtenus auprès du Groupe de physique appliquée de l'Université. Les applications possibles à
Genève sont multiples: préparation d'eau chaude sanitaire (immeubles, centres sportifs, hôtels), production de chaleur pour le
chauffage à distance (chauffage et eau chaude sanitaire), production de chaleur industrielle, de préférence en été, avec le
chauffage des locaux en hiver. Dans tous ces cas les systèmes solaires constitueront un appoint plus ou moins important.
    Citons une étude approfondie de systèmes solaires à Genève: le projet SOLARCAD où 1000 m² de capteurs évacués
produisent de la chaleur (80-1000°C) pour un réseau de chauffage à distance, avec une efficacité moyenne annuelle supérieure
à 30%. Economie en mazout équivalent: environ 50 tonnes par an. En fait ce projet avait été précédé d'un projet-pilote réduit
où l'efficacité annuelle n'était que de 15%. L'examen attentif des diagrammes énergétiques de ces divers projets  montrent
comment,  en quelques années, les pertes ont pu être réduites et l'efficacité moyenne doublée, ce qui constitue un progrès
significatif.

Les coûts ont diminué de trois fois en dix ans
    Le prix de la chaleur solaire est d'autant plus élevé que la température désirée est haute. Nous nous restreignons, pour les
indications qui suivent, aux conditions climatiques et économiques genevoises actuelles. Pour des températures inférieures à
500°C (produites par des capteurs plans) ce prix est comparable à celui de la chaleur fournie par des systèmes conventionnels
(10 à 15 cts par kWh pour de systèmes à mazout ou électriques). A 1000°C (il faut alors des capteurs évacués) ce prix est
déjà plus que doublé. A 2000°C (avec des capteurs à focalisation) on dépasse 1 fr. par kWh.
    Le prix de l'électricité solaire, toujours en conditions genevoises, est actuellement de l'ordre de 1fr. par kWh (il dépend bien
sûr de la taille de l'installation). Il était trois fois supérieur il y a dix ans et l'on pense qu'il sera trois fois inférieur dans quinze ou
vingt ans. Ceci implique qu'à l'avenir la chaleur solaire à basse température (inférieure à 1000°C) justifiera encore l'utilisation de
capteurs plans et évacués, et que les capteurs à focalisation, justifiés pour des températures supérieures, seront supplantés pour
des raisons de prix et de fiabilité par du chauffage électrique d'origine photovoltaïque.
    Si l'on tenait compte dans le prix des énergies traditionnelles des coûts externes ou sociaux (épuisement des ressources,
prospection, pollution et environnement, santé, accidents, sécurité, contrôles, autres aspects économiques), cela reviendrait au
moins à doubler leur prix (les modifications climatiques liées au CO² n'étant par exemple pas prises en compte parce
qu'inquantifiables). La chaleur solaire serait alors moins chère aujourd'hui que la chaleur conventionnelle et l'électricité solaire
serait moins chère au siècle prochain que l'électricité conventionnelle.
    Les économies d'énergie et l'énergie solaire passive sont, elles, directement rentables, tout au moins dans un premier stade,
étant donné que plus on avance dans la rationalité énergétique, plus difficiles et moins rentables sont les mesures.

Courbe d'expérience du PV; observation de la période 1978-1992 et extrapolations pour la période 1993-2005 selon un
taux de pénétration du marché de 16% par année. (Source: Derrick et alii, 1993, pp. 6-7):
Possibilités à Genève
    Pour le économies d'énergie, qui en général incluent le recours à l'énergie solaire passive, le potentiel est très important:
10-15% de l'énergie des bâtiments (chaleur et électricité). Pour les systèmes solaires actifs, en installant 1 m² de capteur par
habitant, ce qui constituerait un appoint déjà substantiel pour l'eau chaude sanitaire, on économiserait 3.5% des combustibles
consommés en 1987. D'autres applications marginales (piscines, industries, etc...) permettraient de relever encore un peu cette
valeur. Cette contribution est donc faible, elle pourrait être relativement plus importante dans un contexte prononcé de
rationalité énergétique.
    Rappelons que le seul chauffage hivernal de bâtiments est une application inadaptée et peu intéressante à Genève des
systèmes solaires actifs, il y a beaucoup plus à faire pour les bâtiments en recourant aux économie d'énergie.
    Quant à l'électricité solaire, on pourrait produire annuellement 1.2% de la consommation électrique 1987 en recouvrant deux
mille immeubles de 50 m2 de panneaux (avec une efficacité de 20%); une centrale de 0.4 km2 dans le Jura (efficacité 20%)
permettrait de produire 6% de la consommation électrique de 1987. Si cette forme d'énergie est appelée à se généraliser, on
pourrait faire encore davantage en utilisant de nombreuses surfaces inexploitées (façades de bâtiments, parkings, dépôts,
entrepôts, autoroutes, lignes de train).
    Si l'on considère la production d'électricité à Genève, actuellement 36% de cette production est d'origine indigène (soit moins
de 7% de l'énergie primaire); on pourrait, toujours en rapport à la consommation 1987, gagner 18% par un recours accru à
l'hydroélectrique et au traitement des déchêts, gagner 10% avec le photovoltaïque, ce qui nous amène à 64%. Il ne serait alors
pas exclu de pouvoir, tout au moins en moyenne annuelle, couvrir la demande électrique par une production totalement
indigène, à condition de suivre une politique de rationalité énergétique bien déterminée et volontariste. Chaleur du sel, biomasse
et autres alternatives restent limitées mais ne sont pas à négliger pour autant.

Quelques chiffres pour le canton de Genève (1987):
Population: 380000
Surtace: 282 km²
Consommation d'énergie (primaire):
total: 40800 TJ/an
(TJ =  10.12J =  2.8x10.5kWh)
dont:
mazout:   43%
gaz: 10%
carburant: 28%
électricité: 19%
(considérée ici comme primaire)

Olivier Guisan
professeur, Faculté des sciences