Le travail des feuilles ne s'arrête pas à la photosynthèse. Leur stakhanovisme les pousse également à synthétiser les acides aminés, briques de base des protéines. L'azote requis est puisé dans le sol par les racines, puis amené jusqu'à la feuille par la sève brute. Enfin, comme tout organisme vivant, l'arbre a besoin de respirer. Il absorbe donc de l'oxygène et rejette du gaz carbonique. En proportion moindre, toutefois, que la photosynthèse.
Cet incessant va-et-vient de molécules entre les racines et les feuilles se déroule par un réseau de canaux placés sous l'écorce. Pour hisser la sève brute depuis les racines où elle est fabriquée jusqu'à la cime de l'arbre, culminant parfois à plus de 100 mètres de hauteur; il faut pouvoir compter sur une puissance considérable. Celle-ci est fournie par deux moteurs. Le premier est actionné par l'évaporation qui se produit à la surface des feuilles. Suivant l'arbre et les conditions climatiques, cette simple succion peut tirer une colonne de 60 mètres en une heure. Le second moteur prend le relais du premier quand il ne fait pas assez chaud pour provoquer une évaporation. Cette fois, le mécanisme se loge dans les racines dont les cellules, en se chargeant d'ions puisés dans le sol, créent par osmose un appel d'eau qui pousse la sève brute vers le haut.
Un séquoia peut ainsi hisser 2 tonnes d'eau par jour à 100 mètres de hauteur. Pendant les six mois de printemps et d'été, un chêne rouvre adulte suce 100 tonnes d'eau, soit 225 fois son poids. Une futaie de hêtres de 1 hectare absorbe et rejette dans l'atmosphère 3500 à 5000 tonnes d'eau par jour! Cette évaporation massive des forêts du monde provoque un refroidissement de l'atmosphère terrestre. Pour alimenter en flux tendu l'usine chlorophyllienne en eau et en nutriments, les racines ne cessent de s'étendre. Le réseau racinaire d'un arbre de 20 mètres de hauteur exploite jusqu'à 250 mètres cubes de terre.
A côté de la sève brute, il en existe une autre, dite élaborée, émanant des feuilles et qu'un deuxième réseau achemine vers le reste de la plante. Cette fois, l'écoulement est assuré par un gradient de pression créé par la différence de concentration en substances dissoutes.
Ces deux réseaux qui acheminent les sèves
brutes et élaborées sont refaits à neuf chaque printemps.
Ce travail est confié au cambium, un tissu cellulaire qui entoure
le bois comme un manchon. Il est à double face: vers l'intérieur
de l'arbre, il fabrique le bois (aubier), composé d'un entrelacement
de cellules verticales qui véhiculent
la sève brute et de cellules horizontales (les rayons ligneux) qui
stockent les réserves de glucides; vers l'extérieur, le cambium
façonne le liber, où circule la sève élaborée.
L'écorce possède elle aussi sa propre couche de cellules
multiplicatrices fabriquant le liège. Chaque année, l'arbre
accumule donc une nouvelle couche de bois, appelée cerne. Au bout
de quelques années, les cellules meurent, il ne reste plus que la
lignine qui constitue le vrai bois. Celui-ci est donc mort. Ne dit-n pas
qu'un arbre n'est rien d'autre qu'un cadavre recouvert d'une mince peau
vivante? Le coeur d'un chêne, d'un marronnier ou d'un platane peut
donc pourrir et disparaître sans problème. Sinon fragiliser
l'arbre, qui, un jour ou l'autre, s'abattra sous son propre poids.
Lusine chlorophyllienne tourne à plein régime
jusqu'à l'automne, quand les feuilles jaunissent et tombent. Condamné
au chômage technique, l'arbre ne reprendra vie qu'au printemps suivant.
Et ainsi de suite durant des dizaines, des centaines, voire des milliers
d'années.