Vers l'épuisement des réserves
Selon l'une des estimations les plus sérieuses, les réserves
mondiales en énergies fossiles suffiront largement à couvrir
la croissance de la consommation pendant encore une vingtaine d'années.
Et après?
Le Moyen-Orient,
la Sibérie et les rivages de la mer Caspienne représentent
actuellement les principales réserves mondiales.
Un spectre plane sur le monde: celui de l'épuisement des réserves
énergétiques. Le pétrole, le gaz naturel et le charbon
continuent à fournir l'immense majorité de l'énergie
consommée sur la planète. Formées il y a des dizaines
de millions d'années, ces réserves ne peuvent se renouveler
à l'échelle des temps humains, alors que la consommation
d'énergie ne cesse de croître. Les réserves s'épuiseront
donc un jour, mais quand?
Sur ce point, les experts sont nombreux, et bien sûr souvent en désaccord.
L’une des sources les plus reconnues est le rapport annuel publié
en langue anglaise par l'Agence internationale de l'énergie (AIE),
une organisation indépendante regroupant vingt-six pays chargée
de conseiller les gouvernements de l'OCDE (Organisation pour la coopération
et le développement économique) sur les questions énergétiques.
Dans l'édition 2001 de son World Energy Outlook, qui vient
de sortir, on peut lire:
"Une des conclusions majeures de cette étude est que les réserves
en pétrole, gaz, charbon et uranium sont plus que suffisantes pour
couvrir la croissance de la consommation attendue jusqu’à 2020."
Voilà toujours deux décennies de répit, pourrait-on
conclure. "Mais, ajoutent les experts de l'AIE, des investissements
massifs dans les infrastructures de production et de transport d'énergie
seront nécessaires pour exploiter ces réserves."
Pourquoi? Parce que les gisements les plus faciles d'accès, notamment
ceux des déserts du Moyen-Orient, exploités depuis le début
du siècle dernier, seront les premiers à s'épuiser.
Il faudra alors se tourner vers des réserves moins accessibles,
ou vers des gisements de moindre qualité comme les schistes et les
sables asphaltiques.
D'importants investissements seront pour cela nécessaires, et il
n'est pas certain qu'ils puissent être rentabilisés aux prix
actuels du pétrole. Quelles que soient les évolutions souvent
chaotiques du prix du baril, la tendance est à la baisse. Exprimé
en dollar 1973, année du premier choc pétrolier, le prix
réel moyen du pétrole des pays de l'Organisation des pays
exportateurs de pétrole (Opep) est ainsi tombé de 9,82 dollars/baril
en 1974 à 5,61 en 1997 et à 4,82 en 1999. Difficile à
ce prix d'investir dans de nouvelles infrastructures.
Comme toute ressource qui se raréfie, le pétrole va-t-il
voir son prix s'envoler? Ce serait oublier la nature stratégique
de l'énergie. Le prix du pétrole dépend autant de
l'offre et de la demande que de la situation géopolitique, notamment
de la politique des Etats-Unis (premier importateur mondial et patrie des
plus grandes compagnies pétrolières) dans les trois régions
où sont situées les principales réserves mondiales:
la Sibérie, le Moyen-Orient et les rivages de la mer Caspienne.
La géopolitique étant loin d'être une science exacte,
difficile de faire des prévisions sur ce point. Reste un espoir:
que le prix élevé du pétrole renforce l'affraction
des énergies nouvelles et renouvelables...
Nicolas Chevassus
CCASINFOS No 221/71 février 2002