Evolutions et tendances dans les énergies de remplacement
par Hannes Gysling
    Même s'il est un fait que les énergies renouvelables pourraient élargir considérablement notre base d'approvisionnement, leur utilisation ne s'est pas encore véritablement imposée pour des raisons économiques.
    Bien qu'il existe, dans le secteur du chauffage individuel et des petits consommateurs industriels, des approches innovantes sous la forme de collecteurs solaires améliorés ou de pompes à chaleur efficaces, les techniques conventionnelles de production de chaleur sont toujours prédominantes.

Des conflits d'intérêt entre le progrès et l'écologie
    Dans notre vie quotidienne, nous ne sommes normalement pas plus conscients de la façon dont les différentes formes de production d'énergie déterminent le monde dans lequel nous vivons que de la relation qui existe entre un approvisionnement en énergie peu coûteux et la prospérité économique. Tout ceci n'est pourtant pas gratuit, car la production d'énergie entraîne en règle générale de lourds préjudices pour l'environnement.
    Ce conflit détermine de plus en plus la politique de recherche en matière d'énergie. Aucune solution «définitive» sous la forme de technologies de production d'énergie non polluantes n'est en vue. Mais des visions existent, qui laissent entrevoir un «futur énergétique» plus respectueux de l'environnement en s'appuyant sur diverses technologies innovantes de conversion et d'économie d'énergie.

La production photovoltaïque de courant
    Chaque année, le soleil envoie, sous forme de lumière et de chaleur, une quantité énorme d'énergie sur la surface de la terre ; cette quantité d'énergie représente près de 6000 fois la consommation énergétique actuelle de la population mondiale.
    Mais ceci ne doit pas occulter le fait que pour l'Europe centrale, le soleil envoie par mètre carré, environ 120 watts en moyenne annuelle sur 24 heures. Cela fixe les limites de l'utilisation de l'énergie solaire. De grandes surfaces ou des méthodes sophistiquées pour augmenter la densité d'énergie sont nécessaires. Se pose ensuite bien sûr le problème de la conversion. Si l'on ne veut pas seulement utiliser la chaleur, mais aussi produire directement du courant électrique, il est nécessaire de disposer d'éléments photoélectriques ou de cellules solaires. Pour tous les procédés qui visent à convertir directement la lumière solaire en énergie électrique, le terme de photovoltaïque s'est imposé.
    Ce type de production de courant est certes encore récent, mais depuis longtemps déjà, il n'est plus réservé à des applications particulières. Que ce soit sur le toit d'une maison individuelle ou dans une grande installation de plusieurs mégawatts, les installations photovoltaïques sont techniquement réalisables et ont aussi de bonnes chances de devenir rentables.

La recherche suisse à la pointe du combat
    Des chercheurs de renom s'emploient à améliorer l'exploitation de l'énergie solaire. La recherche fondamentale est en grande partie soutenue par l'Etat. Ces dernières années, des esprits inventifs ont obtenu des résultats étonnants dans les laboratoires des universités et d'autres instituts de recherche suisses.
    Le Professeur Michael Graetzel a inventé avec son équipe de l'EPF de Lausanne une cellule à colorants permettant la conversion directe de la lumière solaire en courant. Presque au même moment, un communiqué de victoire venant de Neuchâtel a été rendu public: le Professeur Arvind Shah a pu obtenir un rendement exceptionnel avec une cellule en silicium dit amorphe ou microcristallin. Enfin, les travaux de Jens Gobrecht et de ses collaborateurs ont porté leurs fruits: à l'Institut Paul Scherer de Villingen (Argovie), une équipe dirigée par le Professeur Meinrad K. Eberle a réussi à produire avec des cellules monocristallines à faibles pertes une quantité nettement plus importante de courant à partir de la lumière solaire.

Le soleil rivalise avec les autres sources sources d'énergie
    Un nouveau record a été obtenu avec les installations photovoltaïques reliées au réseau suisse: le rendement spécifique moyen des installations a atteint pour la première fois 890 kilowattheures par kilowatt installé de puissance de crête (kWh/ kWp). Cet excellent résultat est vraisemblablement dû surtout à un ensoleillement supérieur à la moyenne. Au total, 130 nouvelles installations solaires photovoltaïques ont été connectées au réseau électrique suisse en 1997. Ceci représente une progression de plus de 60% par rapport à l'année précédente. Sur la même période, les puissances installées ont augmenté de plus de 50% pour atteindre une puissance de crête de 1200 kilowatts. Fin 1997, plus de 950 installations photovoltaïques d'une puissance totale de 7,4 mégawatts de puissance de crête fournissaient, sur l'ensemble du territoire suisse, un courant respectueux de l'environnement au réseau électrique public.
    La qualité des installations en ce qui concerne les pannes des convertisseurs continu-alternatif avait, avec une disponibilité de 97%, enregistré une légère baisse par rapport à l'année précédente, mais se maintenait à un niveau élevé. Pour ce qui est de la puissance installée par habitant, la Suisse occupe la première place au niveau international. Mais l'objectif fixé par le programme fédéral «Energie 2000» est encore loin d'être atteint. Jusqu'à présent, seulement 15% de la puissance de 50 mégawatts prévue d'ici à l'an 2000 est installée.
    Un sondage réalisé au printemps 1998 dans les 78 centrales électriques a montré que l'intérêt pour l'énergie solaire était grand. Un million de clients ont aujourd'hui la possibilité d'acheter auprès de leur fournisseur de courant de l'électricité solaire ou écologique. 15’000 personnes profitent de cette offre et achètent au moins pour une partie de leurs besoins en électricité (en moyenne entre 150 et 200 kWh) du courant solaire ou écologique au prix de revient.
    L'importance de l'exploitation thermique et photovoltaïque de l'énergie solaire pour un approvisionnement en énergie sans incidence sur l'effet de serre est indiscutable. Avec des puissances installées de 200 mégawatts pour l'exploitation thermique et de 8 mégawatts pour l'exploitation photovoltaïque, l'infrastructure est encore trop petite pour peser sur le marché de l'énergie. Les taux de croissance à deux chiffres des dernières années dans les composants pour l'exploitation thermique – enregistrés qui plus est dans une période de forte récession – incitent à l'optimisme. Cette dynamique du marché, complétée par des mesures d'encouragement ciblées et la suppression simultanée d'obstacles latents et manifestes à tous les niveaux, constitue la base de contributions importantes de cette technique de production d'énergie écologique.

La photosynthèse
    Lorsqu'il est question d'exploitation de l'énergie solaire et de fines couches servant de convertisseurs d'énergie, la photosynthèse entre également en jeu. 99% de la biomasse doivent leur existence à ce phénomène. Il est tentant de la rendre exploitable, d'autant plus que les plantes sont en mesure de transformer jusqu'à 36% de la lumière disponible en énergie électrique pour les processus chimiques suivants ; mais on pourrait également tirer profit de la production photobiologique d'hydrogène. Cependant, des procédés réalisables et surtout rentables appartiennent encore à un futur très lointain.

L'énergie éolienne
    La croissance exponentielle de l'énergie éolienne se poursuit dans le monde entier. Des marchés en expansion en Europe (Danemark, Allemagne, Espagne, Portugal, Grèce, Grande-Bretagne, France, Irlande), en Amérique du Sud, en Chine et en Inde constituent la base de ce secteur économique encore récent. L'énergie éolienne apporte dès aujourd'hui – en tant que source d'énergie renouvelable – une contribution importante à un développement durable.
    En Suisse, l'énergie éolienne s'est développée un peu plus lentement. Dans le cadre d'une étude de potentiel, des emplacements concrets ont été déterminés, qui sont parfaitement adaptés à l'utilisation de l'énergie éolienne, tout en respectant le souci de protection du paysage. Selon cette étude, 1500 centrales éoliennes pourraient être installées en Suisse et pourraient produire 1600 GWh (34% des besoins actuels en électricité), à un coût de production compris entre 20 et 30 centimes / kWh.
    Le Mont-Crosin, dans le Jura Bernois, choisi par la société Juvent S.A., est l'un des meilleurs emplacements pouvant être envisagés en Suisse pour l'exploitation de l'énergie éolienne en raison de son exposition, de sa desserte et de la qualité du paysage. Malgré cette excellente position, il faut constater aujourd'hui, après un fonctionnement sans incident des trois puissantes turbines pendant un an et demi, que les possibilités d'énergie éolienne dans notre pays, situé au coeur du continent, sont très réduites. L'énergie éolienne se révèle être, selon l'expérience acquise par la société Juvent S.A., un attrayant produit de niche. Comme le montre l'exemple de la Juvent S.A., elle implique des contraintes élevées, qui ne peuvent être satisfaites que dans des conditions favorables et avec des moyens importants. Il convient donc de relativiser - pour la Suisse -, à la lumière de ces résultats, les attentes euphoriques et les études de potentiel trop éloignées de la réalité.
    Les petites usines hydroélectriques et les centrales éoliennes fournissent aujourd'hui 890Gwh d'électricité et de chaleur – plus que ce que l'on pense généralement. Grâce à leur potentiel, ces trois technologies pourraient jouer un rôle plus important dans l'approvisionnement énergétique de la Suisse. Ceci vaut en particulier dans l'optique des objectifs d'exploitation d'énergies renouvelables fixés par le programme «Energie 2000».

Pompes à chaleur et production combinée de chaleur et d'électricité
    La production combinée de chaleur et d'électricité est l'un des moyens d'exploiter de façon optimale l'énergie avec des centrales thermiques conventionnelles. Il est possible avec des moteurs thermiques, également dans des petites installations proches du consommateur, d'exploiter les avantages de la production combinée de chaleur et d'électricité sans grandes déperditions de chaleur dues à la distribution et sans transport d'énergie. Des moteurs Diesel ont été proposés dans ce but dès les années trente et les centrales thermiques en montage-bloc fonctionnant selon ce principe ont amplement fait leurs preuves. La gamme de puissance va de 5 à 7000 kW. Les entreprises municipales et l'industrie utilisent largement ce type de centrales.

Les énergies de substitution restent marginales
    Seuls 5% des quantités énormes de chaleur utilisées pour le chauffage – la moitié des besoins suisses en énergie – sont produits selon un principe correspondant aux possibilités techniques actuelles d'exploitation efficace de l'énergie primaire (pompes à chaleur, centrales thermiques en montage-bloc, chauffage urbain). Fin 1990, 34’000 pompes à chaleur fonctionnaient en Suisse, pour une production de chaleur annuelle de 1100GWh. En 1997, c'étaient déjà 50 000 appareils qui produisaient chaque année 1600GWh de chaleur. Cette tendance correspond parfaitement à l'esprit d'«Energie 2000»: 2450GWh de chaleur de plus qu'en 1990 doivent être produits d'ici l'an 2000 – en utilisant l'énergie ambiante. L'électricité nécessaire au fonctionnement des pompes à chaleur doit être économisée ou produite par des centrales à production combinée de chaleur et d'électricité.

Dix pour cent de la production d'ici 2010
    Les centrales à production combinée de chaleur et d'électricité pourraient produire en 2010, avec une puissance électrique installée de 1530 MW, 5’500GWh de courant et 10’000GWh de chaleur. Ceci correspond à 10% de la production de courant et de 11% de la production de chaleur. Le gaz naturel, le fioul, le gaz liquéfié, le biogaz, le gaz de curage, le gaz produit dans les dépôts d'ordures et le bois sont parfaitement adaptés – il est vrai, dans des proportions différentes – pour épuiser ce potentiel. Ainsi, le gaz naturel pourrait contribuer à 51% à la production de courant, le fioul à 35%, les biogaz et le bois à 7% chacun. Les ordures ménagères ne figurent pas dans cette liste des sources d'énergie adaptées aux centrales à production combinée de chaleur et d'électricité, bien qu'on puisse parler, pour les usines d'incinération d'ordures, d'une «véritable» combinaison de chaleur et d'électricité, donc d'une production de courant combinée à une production de chaleur.

L'énergie nucléaire à un tournant
    Actuellement, 43% du courant suisse proviennent de centrales nucléaires. Ce seul chiffre illustre l'importance de l'énergie nucléaire en Suisse. L'énergie nucléaire constituera également dans le futur une option de production de courant. C'est de cette réalité que découlent les grands axes de la recherche dans le domaine de l'énergie nucléaire: La recherche en matière de sécurité – tant au niveau technique et scientifique que réglementaire – permet d'assurer un fonctionnement sans incident et un entretien orienté vers la sécurité des centrales nucléaires existantes. La fusion nucléaire est également un sujet de recherche auquel on accorde un important potentiel sur le long terme. Les travaux de recherche sur la fusion s'intègrent tous dans des programmes internationaux.

La pile à combustible
    Accumulateurs et piles à combustible – deux «vieilles» technologies qui suscitent de grandes espérances. De nombreux faits indiquent que ces producteurs de courant et des éléments accumulateurs améliorés pourraient être produits et utilisés dans quelques années à l'échelle industrielle (c'est déjà le cas aujourd'hui pour certains produits). Dans le cas de la pile à combustible, on recherche une production de courant propre et silencieuse avec un rendement optimisé, dans le cas des accumulateurs, une augmentation de la puissance volumique et dans les deux cas une réduction des coûts de production.
    On attribue un potentiel d'avenir important à la technique des piles à combustible, qui consiste à produire du courant et de la chaleur par voie électrochimique. Si une seule installation importante, d'une puissance électrique de 200 kW, fonctionne aujourd'hui en Suisse, on prévoit d'installer des systèmes d'une puissance cumulée de 10 MW dans les dix ans à venir. Dans vingt ans, les piles à combustible pourraient fournir un GW. La possibilité d'utiliser du gaz naturel comme combustible fait partie des plus de cette technologie.
    D'autres avantages de la pile à combustible sont l'exploitation élevée du combustible, le silence de fonctionnement et l'absence de vibrations ainsi que le fait que la production d'énergie a lieu sans formation d'oxyde d'azote, ce qui n'est pas le cas dans les chaufferies et les moteurs thermiques.

Les petites centrales hydroélectriques
    Les petites centrales hydroélectriques fournissent 6% de la production suisse de courant – ce malgré le fait que dans les années 50 de petites centrales aient été mises hors service. Un changement de cap a conduit à la remise en service de nombreuses petites centrales hydroélectriques, dont la puissance a augmenté d'environ 4,5 MW.

La géothermie
    Une méthode élégante pour produire de l'énergie, mais qui demande beaucoup de moyens et n'est pas réalisable partout, consiste à utiliser les eaux souterraines naturellement chauffées par la chaleur de la terre.


Retour