SOLAR CLUB du CERN
 TEXTES IMPORTANTS SUR LES ENERGIES RENOUVELABLES
Numérisation pour le site du SOLAR Club du CERN par Yves Renaud

Magazine SILENCE
Hors série No 4
Les énergies renouvelables
(extrait) 
LE SOLEIL: ATOUT MAJEUR de notre AVENIR

L'ENERGIE solaire présente les qualités suivantes: durabilité, abondance, diversité, propreté, sûreté, "gratuité", décentralisation, universalité. Elle n'a contre elle que sa dilution et sa variabilité. Ces critères opposés à ceux du pétrole, du charbon, du nucléaire, entraînent la conception d'un autre mode de société.

    Après quelques milliards d'années de bons et loyaux services, le Soleil vient d'être promu au rang d'énergie nouvelle. Aurait-on oublié que depuis toujours les habitants de la planète Terre ont vécu de l'énergie solaire, transformée au besoin en nourriture, en combustible et en force motrice hydraulique, éolienne ou animale?
    Avec la révolution industrielle, commencée il y a environ 150 ans, l'exploitation des ressources fossiles a permis à l'homme d'accéder au confort, puis au gaspillage énergétique. Mais cette période exceptionnelle dans l'histoire de l'humanité n'aura duré que quelques siècles au plus, l'équivalent dans la vie d'un octogénaire, du quart d'heure de folie pendant lequel il aura dilapidé les richesses amassées par ses ancêtres. Ainsi la disparition accélérée de notre capital énergétique nous oblige-t-elle à revenir à une saine gestion de l'énergie. Il s'agit, désormais, de réapprendre à vivre sur les intérêts du capital Soleil, pratiquement inépuisable mais intouchable. Pour continuer sa route au delà du vingtième siècle, l'humanité doit réorienter le progrès vers une meilleure utilisation de l'énergie solaire. Nous nous proposons ici d'en examiner brièvement les principaux aspects.

ABONDANCE DE L'ENERGIE SOLAIRE
    Sachant qu'un plan d'un mètre carré placé perpendiculairement aux rayons du Soleil reçoit de celui-ci environ 1360 watts en dehors de l'atmosphère, on peut calculer que le Soleil envoie en permanence 170 000 milliards de kilowatts à la Terre, dont elle réfléchit environ 60000 vers l'espace. La population humaine actuelle dispose donc, avec le Soleil, d'une puissance installée de plus de 20 mégawatts par personne en moyenne. Certes, la densité de cette énergie varie notablement d'un point à l'autre du globe, mais le fait que les Esquimaux ont pu s'en contenter suggère que tous le pourraient en s'organisant autrement (1) (2).
Si l'on en croit les bilans officiels, la France consommerait annuellement en énergies diverses, environ 200 mégateps (l'équivalent de 200 millions de tonnes de pétrole). Plus de 90 % de ces énergies sont extraites de la Terre (pétrole, charbon, gaz naturel, uranium). L'énergie solaire, qui n'est citée que sous sa forme hydraulique, ne contribuerait que pour une petite part à notre consommation.
    Mais ces bilans sont dressés par le Ministère de l'Industrie, qui ne prend en compte que les énergies commerciales. Si c'était le ministère de l'Agriculture qui faisait ces estimations, on ne pourrait plus faire semblant d'ignorer les quelque 48 000 mégateps par an d'énergie solaire qui assurent le fonctionnement de 30 millions d'hectares de cultures et de pâturages,et de 14 millions d'hectares de forêts. Quant aux 12000 mégateps qui tombent annuellement à côté des terres agricoles, ils n'ont, pour l'instant, pas d'autres usages que de nous éclairer pendant le jour et d'assurer le chauffage de base de notre environnement naturel que nous complétons, en hiver, par les énergies d'appoint citées précédemment. Finalement, si l'on dresse le bilan dans le monde physique (réel) et non plus dans le monde économique (artificiel), on constate que ce sont les énergies non-solaires qui représentent une partie minuscule de notre bilan énergétique.
    On pourra objecter à cette façon de voir que, puisque la nature a besoin de l'énorme puissance installée solaire pour satisfaire les non moins énormes besoins thermiques d'une planète plongée dans un espace au zéro absolu, on ne doit considérercomme ressource consommable que l'infime proportion d'énergie solaire qui n'est pas déjà employée à cet usage. Cet argument serait valable si l'énergie solaire, comme l'énergie géothermique, nous parvenait directement sous forme de chaleur. Mais il n'en est rien, la quantité s'accompagne ici de la qualité.
    Le Soleil nous envoie son énergie sous forme de rayonnement électromagnétique: un peu d'ultraviolet et, surtout, en quantités sensiblement égales, de la lumière et de l'infrarouge proche. Il s'agit là d'une énergie noble, c'est-à-dire utilisable pour de multiples usages. De sorte que l'énorme part d'énergie solaire qui, pour l'instant ne fait que réchauffer la Terre, pourrait servir à satisfaire nos divers besoins énergétiques sans abandonner pour autant son rôle traditionnel dans la nature, puisqu'à l'utilisation, toute énergie se dégrade finalement en chaleur.
    Quatre grandes voies sont possibles pour utiliser l'énergie solaire
- on peut la consommer telle quelle pour l'éclairage
-  on peut la transformer en énergie biochimique: photosynthèse
- électrique: effet photovoltaïque
- thermique: simple absorption avec dégradation en chaleur
Dans ce dernier cas, les techniques pourront varier notablement selon le niveau de température désiré.

ECLAIRAGE NATUREL, PHOTOSYNTHESE, PHOTOELECTRICITE, CHALEUR

    Le Soleil est d'abord une grosse lampe. Il ne parait pas inutile de rappeler cette évidence à une époque où l'on oublie qu'une fenêtre est un capteur solaire qui transmet d'ailleurs, à l'intérieur du bâtiment, une énergie beaucoup plus précieuse que celle d'un capteur à eau chaude puisque pour chaque unité d'énergie utile produite par une lampe incandescente, il nous faut en dépenser cent fois plus au départ dans une centrale électrique.
    Utiliser l'énergie solaire dans l'habitat ,ce sera donc, en premier lieu, profiter au maximum de l'éclairage naturel, en donnant aux parois transparentes (ou translucides) les dimensions et les orientations les plus efficaces. Cela ne signifie naturellement pas qu'après avoir oublié de percer des fenêtres dans certains immeubles, on doive tomber dans l'excès inverse et remplacer systématiquement les murs par des vitrages, car il faudrait alors faire face aux énormes problèmes thermiques qui ont amené sur le marché des verres impudiquement baptisés "anti-solaires".
    Le plus modeste des brins d'herbe possède le pouvoir de capter une partie de l'énergie solaire qu'il reçoit et de s'en servir pour construire des molécules organiques à partir de deux composés très courants sans valeur énergétique: le gaz carbonique et l'eau. Cette photosynthèse fournit aux hommes, depuis toujours, leur nourriture et la totalité de leurs combustibles, fossiles ou non, en même temps que l'oxygène nécessaire à leur emploi. Cette transformation permet la constitution de stocks capables de se conserver plusieurs années sans autres pertes (bois, pétrole, charbon...). Grâce à l'immensité des capteurs naturels, la photosynthèse produit chaque année, sur la Terre, une "biomasse" représentant dix fois environ notre consommation totale d'énergies fossiles, mais dont on ne sait actuellement que récupérer une petite partie.
    Ainsi l'agriculture, productrice d'aliments et de matières premières traditionnelles (coton, lin, bois de construction...) pourrait développer une troisième voie: la production de combustibles et de carburants solaires à partir de plantes: toute substance végétale constitue une ressource hydro-carbonée que l'on peut soit brûler après séchage au soleil, soit transformer en méthane par décomposition anaéoro-bie (sans air) ou en alcool, par fermentation et distillation. En France, l'Institut National des Recherches Agronomiques estime que la seule récupération des pailles, tiges de maïs et autres déchets agricoles inutilisées, pourrait fournir annuellement l'équivalent de cinq millions de tonnes de pétrole, de quoi assurer l'autonomie énergétique de l'ensemble du matériel agricole (tracteurs, moissonneuses...).
    On peut transformer le rayonnement solaire en électricité Soit dans une centrale thermique, comme on le verra plus loin, soit directement par l'emploi de photopiles. Le principe de fonctionnement d'une photopile est assez complexe. Souvent réalisées à base de silicium, les photopiles ont des rendements d'environ 13 % actuellement (certaines cellules expérimentales arrivent à dépasser 30 %). Bien que le silicium abonde dans la nature, la réalisation des photopiles exige pour ce matériau un tel degré de pureté que leur coût reste élevé. Toutefois, depuis 1970, il a été divisé par deux tous les cinq ans (3). Le développement actuel des applications photovoltaïques se fait au rythme de 30 % par an.
    Lorsqu'un objet qui n'est ni une plante, ni une photopile, absorbe de l'énergie lumineuse, celle-ci ne peut que se transformer en chaleur. Cette dégradation d'une énergie noble en énergie thermique s'effectue spontanément, ce qui ne veut pas dire qu'on ne doive pas l'aider si l'on désire obtenir ainsi de bons résultats.
    Pour atteindre des températures élevées, on peut utiliser des concentrateurs, c'est-à-dire envoyer sur une cible, au moyen de dispositifs optiques appropriés, beaucoup plus d'énergie qu'elle n'en recevrait en étant simplement exposée au soleil. La rotation de la Terre impose à ce type d'appareils de modifier leur orientation au cours de la journée, ce qui pose des problèmes d'automatisation. L'exemple le plus connu de concentrateur est le four d'Odeillo, dans les Pyrénées Orientales, où des miroirs plans mobiles renvoient des rayons solaires sur un réflecteur en forme de parabololde qui peut chauffer une cible, placée en son foyer, à plusieurs milliers de degrés. C'est le principe des centrales thermiques solaires. Malgré leur propreté, elles ne sont guère souhaitables à grande échelle puisqu'elles nécessitent encore une distribution de l'électricité par des lignes à haute tension. Les applications décentralisées de la chaleur solaire s'avèrent donc beaucoup plus intéressantes, par exemple l'obtention de force motrice pour le pompage de l'eau ou la réfrigération, la distillation de l'eau pour les pays où l'eau potable est rare, la cuisson des aliments pour éviter de brûler le bois dans les pays pauvres (Sahel, Inde, Pakistan...), le chauffage de l'eau sanitaire, des piscines, des serres, et surtout des locaux.
    Dans le bâtiment, on distingue:
- les systèmes dits "passifs" ou le bâtiment lui-même joue le rôle de capteur grâce à la conception architecturale (larges baies vitrées au sud, isolées la nuit et en hiver, avant-toit protecteur en été, éventuellement serre, masse thermique importante et isolation soignée);
- les systèmes dits "actifs" qui font appel à des capteurs à eau ou à air, placés généralement en façade ou en toiture. Comme ces capteurs ont un rendement d'autant meilleur qu'ils fonctionnent à des températures moins élevées, il y a tout intérêt à faire circuler l'eau dans un plancher chauffant dont la grande surface d'échange compense le faible niveau de température utilisé. On aboutit ainsi à une conception du chauffage beaucoup plus logique que celle qui consiste à employer des flammes ou des résistances électriques portées à 800oC et plus, pour obtenir finalement une température de 20oC dans le local chauffé.

LE STOCKAGE DE L'ENERGIE

    LES variations, en un lieu donné, du flux solaire, tantôt nul, tantôt surabondant, compliquent notablement son utilisation. Il convient de distinguer deux types de variations : les unes liées au mouvement apparent du Soleil provoquent les modulations diurne et annuelle, parfaitement prévisibles à partir des données astronomiques; les autres, dues aux circonstances météorologiques, ont un caractère beaucoup plus aléatoire. Pour régulariser la disponibilité de l'énergie solaire, s'impose une solution évidente sinon facile à mettre en oeuvre: le stockage.
    En ce qui concerne les produits de la photosynthèse, aliments, combustibles et carburants solaires, ce problême est déjà résolu par la nature elle-même. Pour certains usages de l'énergie solaire, comme la réfrigération ou le pompage aux fins d'irrigation, la demande se trouve en phase avec la fourniture d'énergie et le stockage peut devenir superflu. Restent les cas plus difficiles de l'électricité et de la chaleur solaires.
    A grande échelle, existe la solution hydraulique qui consiste à utiliser l'électricité excédentaire pour pomper de l'eau qui en retombant peut faire tourner des turbines et redonner environ 70% de l'électricité du départ. Cette méthode est actuellement utilisée pour l'électricité d'origine nucléaire, dont la production ne se module pas non plus en fonction des besoins. A petite échelle, pour l'éclairage domestique ou la voiture individuelle, on peut employer des accumulateurs. Les futures stations-service seraient alors couvertes de photopiles et l'on y échangerait les batteries déchargées contre d'autres regonflées au soleil.
    Pour la chaleur domestique, le stockage à court terme s'effectue déjà dans le mur Trombe ou dans des bidons d'eau qui restituent la nuit la chaleur emmagasinée pendant le jour. Quelques maisons à grande cuve d'eau chaude ont été réalisées au Danemark, en Allemagne, au Canada, pour des stockages intersaisonniers. Pour un immeuble construit sur un site géologique favorable, il est possible de stocker la chaleur de l'été pour l'hiver en utilisant une nappe d'eau souterraine (héliogéothermie). Le taux de récupération de la chaleur peut dépasser 70%.

ENFIN, UNE CENTRALE NUCLEAIRE OUI MARCHE !

    LE Soleil, seule centrale nucléaire acceptée par les écologistes, présente un bon nombre d'avantages par rapport à nos centrales terrestres:
    Il fonctionne grâce à la fusion nucléaire et non la fission qui produit, comme on sait, des produits extrêmement dangereux et durables.
    Il est loin. Le radioactivité qu'il contient se trouve à 150 millions de kilomètres de chez nous et les quelques effluents dangereux qu'il nous envoie sont absorbés, en grande partie, par la couche d'ozone qui entoure la Terre.
    Il marche bien. Les sautes d'humeurs qu'il manifeste périodiquement ne présentent pas, pour nous, de problèmes de sécurité.
    Son énergie parvient chez l'utilisateur sans support matériel, ce qui permettrait, avec l'emploi généralisé des photopiles, d'éviter le transport de l'électricité, donc de supprimer les lignes à haute-tension avec leurs pertes d'énergie, leur laideur dans les paysages et leurs dangers.
    Cette énergie décentralisée au niveau de l'utilisation ne pose pas de problèmes de pollution thermique (sauf si on allait chercher dans l'espace, au moyen de satellites, des rayons solaires non destinés à la Terre).
    Les combustibles solaires, issus de la photosynthèse actuelle, contrairement au charbon et au pétrole, ne contiennent pas de soufre. Leur combustion ne produit, en plus de la chaleur, que de l'eau et du gaz carbonique... des matières qui seront à nouveau fixées lors d'un nouveau cycle. Il n'y a donc pas de déchets.
    Parce qu'elle ne met pas en danger la survie de la biosphère, l'énergie solaire doit donc être considérée comme une énergie de haute qualité.

DES CRITERES ECONOMIQUES FAUSSÉS

    LES économistes qui déclarent l'énergie solaire "non-compétitive" par rapport aux énergies sales s'étonnent-ils que le saumon coûte plus cher que la morue?
    Le principal handicap économique de l'énergie solaire provient de ce qu'on la compare aux autres en quantités égales, sans prendre en compte des différences de qualité pourtant manifestes.
    Par ailleurs, les rentabilités économiques se discutent toujours en fonction de l'intérêt particulier de l'investisseur et non de l'intérêt général. S'il s'agit, par exemple, d'installer un chauffage solaire, le propriétaire doit faire la totalité des investissements entre la source d'énergie et sa maison: la dépense peut paraitre exorbitante par rapport au prix de l'installation d'un chauffage électrique dont seuls les radiateurs sont entièrement à la charge de l'utilisateur. Les investissements nécessaires à l'extraction, la purification, l'enrichissement de l'uranium, la construction des centrales, les pylônes, les câbles, le contrôle de la pollution, la gestion des déchets et maintenant des contaminations accidentelles, sont répartis, par le jeu d'astucieuses tarifications, entre tous les consommateurs d'électricité qui déboursent proportionnellement d'autant moins qu'ils consomment plus. On voit donc qu'avant de déclarer une solution plus rentable qu'une autre, il y a lieu de se poser la question : rentable pour qui? La réponse peut différer notablement selon que l'on prend en compte, ou non, l'intérêt de la société tout entière.
    Enfin, un aspect de l'énergie solaire semble avoir échappé, jusqu'à présent, aux économistes, à savoir son caractère foncièrement anti-inflationniste. Alors que le charbon est de plus en plus profond, le pétrole de plus en plus éloigné sous la mer, l'uranium de plus en plus dilué dans ses minerais et coûtent donc de plus en plus cher, au fur et à mesure de leur raréfaction, l'énergie inépuisable du Soleil garantit ses prix encore pourquelques milliards d'années.

LE CHOIX POLITIQUE DE LA DECENTRALISATION

    A cause de la dilution de l'énergie solaire (170 watts en moyenne par mètre carré de sol horizontal en France), on lui a reproché de ne pouvoir couvrir les besoins de nos grandes villes et des complexes industriels qui les accompagnenL Or la population urbaine mondiale double tous les onze ans et, par suite des phénomènes d'encombrement, chaque citadin consomme environ dix fois plus d'énergie qu'un villageois.
    Face à cette situation, on peut tenter de nourrir la croissance exponentielle des centres consommateurs en installant des centrales productrices d'énergie dans leur voisinage, à un rythme accéléré. L'économiste y trouve son compte, lui dont la satisfaction croît proportionnellement au produit national brut, c'est-à-dire au volume de biens consommés. Mais il n'en va pas de même pour le sociologue, au-quel la croissance du monde artificiel apporte de sévères problème de délinquance, de criminalité et de tensions sociales diverses. Comme l'explique un biologiste fameux (4) "nul directeur de zoo n'envisagerait d'entasser des animaux avec une densité de population comparable à celle de nos villes modernes", point de vue confirmé par les exodes hebdomadaires et annuels de nos citadins qui peuvent s'échapper de leurs villes.
    Donc, plutôt que de déclarer que l'énergie solaire n'est pas adaptée aux villes, on peut dire que les concentrations urbaines et industrielles modernes ne sont plus adaptées à l'homme. La dilution de la ressource solaire devrait nous inciter à la décentralisation et donc à la multiplication de petites unités de production et de consommation, d'ailleurs seules capables de stabiliser nos besoins énergétiques à un niveau raisonnable.
    La concentration actuelle est responsable de l'extension du chômage. Le pétrole et l'uranium engendrent des industries plus productives (au sens des économistes) c'est-à-dire dans lesquelles un petit nombre de travailleurs suffit à assurer un profit important. En Suisse, le développement de l'énergie nucléaire a été décidé dans les années 50 quand la main d'oeuvre manquait: "L'un des principaux arguments... fut que les centrales nucléaires permettraient de supprimer des dizaines de milliers d' emplois en accroissant l'automation" (5). Par contre, le développement de l'énergie solaire, moins sophistiquée et beaucoup plus accessible à un grand nombre d'artisans, favoriserait la création sur place de nombreux emplois, notamment dans les domaines du chauffage, de la sylviculture, de la valorisation décentralisée des déchets agricoles et de la production de carburants solaires (6). Une réponse possible à la désertification rurale actuelle.

L'INDEPENDANCE ENERGETIQUE

    L'INDEPENDANCE énergétique est comme la san-té: quand on en parle, c'est qu'on l'a perdue. Nos grands-parents ignoraient le mot mais pratiquaient la chose en brûlant, pour se chauffer, le bois issu de leur sol et de leur soleil. Le progrès nous a apporté le pétrole des pays lointains, mais le prix du confort est élevé: non seulement nos radiateurs et nos voitures, mais toute notre économie, se trouvent maintenant sous la dépendance des fournisseurs pétroliers. De même l'uranium provient, pour une bonne part, de nos anciennes colonies: la démocratisation de ces pays pourrait marquer la fin du pillage des ressources.
    Ne serait-il pas temps de redécouvrir l'énergie solaire en tant que ressource de chaque pays, de chaque région? Les Etats centralisateurs n'aiment guère mettre en avant une énergie décentralisée, capable de favoriser l'indépendance des régions qui n'ont à leurs yeux, que trop tendance à rechercher leur autonomie. Pourtant faut il s'obstiner à vouloir résoudre depuis Paris et de la même manière les problèmes énergétiques de régions aussi différentes que la Bretagne et la Corse ?

L'ENERGIE SOLAIRE, OUTIL DE PAIX

    Du temps où l'humanité savait fonctionner exclusivement à l'énergie solaire, les pays riches étaient les pays riches en soleil. L'écart entre tous n'était pas grand. Avec l'avènement des énergies fossiles, a commencé à se creuser le fossé entre ce que l'on appelle maintenant le Nord et le Sud. Le charbon a longtemps assuré la richesse britannique et sa domination coloniale, puis le pétrole, la domination des Etats-Unis. En oubliant de développer les applications de l'énergie solaire, le progrès a dérapé.
Aujourd'hui "le potentiel scientifique et technique mondial, consacré pour moitié aux recherches spatiales, militaires et nucléaires, est utilisé pour développer des techniques qui ne peuvent pas intéresser les habitants des pays pauvres, c'est-à-dire la grande majorité de l'humanité" (7). C'est donc en renonçant à singer nos erreurs et en développant une technologie simple et accessible à de nombreux travailleurs que les pays du Tiers-Monde peuvent espérer secouer leur actuelle dépendance. L'énergie solaire, très abondante chez eux, semble tout indiquée pour jouer ce rôle libérateur.
    De même, chez nous, le solaire doit sortir, au vu de ses énormes possibilités, de l'image marginale et amusante de gadget soigneusement entretenue par nos économistes et dont le chauffe-eau solaire, son symbole, pousse comme une verrue sur le toit des pavillons de banlieue.
    L'énergie solaire ne doit pas être une énergie que l'on rajoute, mais une énergie qui remplace, avec tout ce que cela comporte comme changements en profondeur, non seulement dans nos techniques mais aussi dans nos modes de vie. Après l'accident de Tchernobyl, la majorité des populations se prononcent contre le nucléaire mais restent résignées parce qu'elles ne voient pas d'alternatives possibles. Il appartient à tous, ingénieurs, architectes, thermiciens, plombiers, mais aussi urbanistes, sociologues, économistes, législateurs... et consommateurs, de repenser à la base les problèmes énergétiques en fonction de nos vrais besoins. L'énergie solaire doit nous aider à passer de cette société de gaspillage résigné à une autre plus indépendante, décentralisée et responsable, où chacun aura son mot à dire sur l'énergie et son travail à faire.

Roger BERNARD
Association Lyonnaise
pour l'étude et le Développement de
l'Energie Solaire
(ALEDES)
Notes

(1) Groupe de Bellerive - "Projet Alter:  esquisse d'un avernr énergétique pour la France axé sur le potentiel renouvelable" - Ed. Syros 1978.
(2) Amis de la Terre - "Tout Solaire" - Ed. Pauvert 1978.
(3) P.R. Wolfe - "Photovoltaics, the road to maturity" - Proceedings of the first WorId Renewable Energy Congress - Reading University, 1990.
(4) D. Morris - "The human Zoo" Ed. J. Cape - 1969
(5) D. de Rougemont - "Sur l'Etat de l'union en Europe" (1979)
(6) C. Norrnan - "Technologies for Mass Employment" - Economic Impact - 1979.
(7) H Singer - New lntemationalist - 1973


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