Luis Marcos, expliquez-nous comment vous vous retrouvez un beau jour
dans un fauteuil du Conseil national, en simple citoyen, à débattre
d'énergie?
C'est un petit encart dans le journal qui a attiré mon attention.
Le Conseil suisse de la science voulait demander l'avis d'une brochette
de citoyens prêts à s'engager dans une réflexion sur
le futur de l'électricité. Ayant suivi à l'EPFL le
post-grade européen en architecture et développement durable,
j'étais déjà sensibilisé par la problématique
énergétique. C'est donc sans hésitation que j'ai répondu
à l'annonce et que j'ai été sélectionné
avec 26 autres personnes. Echantillonnage représentatif de la société
helvétique en terme d'àge, de langue, de profession et de
sexe, le groupe s'est retrouvé durant deux week-ends pour se familiariser
avec les enjeux énergétiques et préparer les questions
que nous voulions soumettre lors du Publiforum à plusieurs experts.
Issus de tous les horizons - scientifique, politique, économique,
administratif ou représentant un groupe d'intérêt-
ces experts ont été choisis par nous sur la base d'une liste
dûment documentée. Nous avons retenus 9 thèmes que
nous voulions approfondir avec eux.
Des tendances générales se dégagent-elles des
préoccupations de 27 citoyens qui n'ont d'autres liens entre eux
que leur citoyenneté et leur intérêt pour le sujet
ou le débat part-il dans tous les sens?
Non, en fait, il ressort des discussions que nous avons eu une sensibilité
écologique assez largement partagée, une capacité
à se projeter dans le long terme qui nous a fait souvent nous interroger
de la même façon: «Si nous ne réagissons pas
maintenant, que se passera-t-il demain?» Je dirais que ce groupe
a manifesté une prise de conscience «verte», une volonté
de préservation de la vie et de ses ressources. Le nucléaire,
par exemple, n'avait pas beaucoup d'adeptes dans cet échantillon.
Dans ce contexte, un des problèmes majeurs sur lequel nous nous
sommes focalisés touchait, bien sûr, la question de l'approvisionnement
en électricité suite au démantèlement progressif
des centrales nucléaires. Nos échanges et les questions précises
que nous avons posées aux experts ont aussi permis, dans la foulée,
de clarifier certains concepts, de balayer certains clichés sur
des sujets précis comme les déchets nucléaires, les
énergies propres.
Quelles réflexions personnelles vous inspire ce dialogue entre
des citoyens et des experts?
Ce que l'on constate, évidemment, c'est que les experts issus
des lobbies industriels défendent d'abord les intérêts
de ceux qu'ils représentent. Du côté des politiciens,
les prises de position sont plus neutres, bien que le clivage gauche-droite
reste apparent, les uns développant un argumentaire plus écologique
et les autres un argumentaire plus économique. Et puis, évidemment,
on sent que le souci d'une partie importante des politiques vise plutôt
le court terme des échéances électorales que l'avenir
lointain de la collectivité. Ce Publiforum - le premier du genre
en Suisse et qui s'inspire des «conférences de consensus»
mises en place dans quelques pays du nord de l'Europe - était sans
aucun doute utile dans la mesure où il a permis de débloquer
ce débat énergétique qui s'était peu à
peu «grippé». Les questions et les préoccupations
de quelques citoyens ont sans doute permis de dégager de nouvelles
pistes de réflexion. Le seul problème que je vois dans ce
type de démarche, c'est le suivi. Nous n'en avons pas. Nous ne savons
pas dans quelle mesure notre intervention aura une répercussion
concrète sur les décisions futures.
Tout de même, après l'expérience particulière
de l'an dernier et à la lumière du poste que vous occupez
aujourd'hui au Service vaudois de l'environnement et de l'énergie,
avez-vous le sentiment que les citoyens et consommateurs que nous sommes
tous ont des moyens d'action sur leur «destinée énergétique»?
Des moyens de pression existent. Outre une entrée directe en
politique, le citoyen peut rejoindre des associations, des groupements,
qui, par leur action et leur influence, contraignent les décideurs
à relever le niveau des exigences écologiques. On l'a vu
encore récemment avec le cas du dossier de candidature de Sion pour
les JO 2006. Pour le consommateur, la marge de manoeuvre implique d'abord
une bonne information - elle existe, mais il faut la chercher et «l'intégrer».
Elle implique aussi, en amont, une «éducation» à
la sensibilité écologique et dépend aussi des capacités
de son porte-monnaie. Il est clair que pour un certain nombre de personnes,
la question de savoir si elles vont acheter le congélateur qui coûte
le moins cher ou celui qui consomme le moins ne se pose même pas.
Pour ceux qui font un choix écologique à l'achat, il s'agira
encore de bien utiliser l'appareil qu'ils auront acquis: inutile de jeter
son dévolu sur une télévision à faible consommation
s'ils la laissent toute la journée en position «stand by».
Mais en matière de courant électrique, difficile d'imaginer
le consommateur faire ses courses avec son caddie et s'arrêter à
l'étalage le plus cher?
Evidemment, théoriquement, il faut savoir que l'on peut se dire:
«je veux du courant propre provenant de ce champ d'éoliennes!»
C'est possible, mais le choix énergétique n'est pas celui
du super-marché, il demeure restreint. Même s'il y a possibilité
pour le consommateur d'électricité de faire un choix plus
vert, il ne faut pas se leurrer. Ce ne sera pas la ruée sur les
énergies renouvelables plus chères au moment où le
marché se libéralise et où l'on assistera à
une cascade de prix cassés. C'est pourquoi, une taxe énergétique
permettrait en quelque sorte de tenir compte des coûts externes
d'énergies bon marché mais non «durables» comme
le mazout par exemple. Elle corrigerait en quelque sorte la distorsion
qui existe à l'heure actuelle en défaveur des énergies
renouvelables.
Minergie, un concept pour une action concrète
Minergie est un label pour des bâtiments qui allient une très
faible consommation d'énergie et une augmentation du confort. Outre
une meilleure isolation et de très bonnes fenêtres, la nouveauté
par rapport aux constructions courantes se situe au niveau de la ventilation.
En effet, les bâtiments actuels sont trop étanches et posent
des problèmes de salubrité (moisissures) et de qualité
de l'air (humidité, polluants). Le concept Minergie intègre
une solution appelée aération douce, qui consiste en un système
de ventilation avec récupération d'énergie. L'air
ambiant est constamment renouvelé sans ouverture des fenêtres,
ce qui permet d'homogénéiser le climat intérieur.
Ainsi, non seulement on augmente le confort dans l'habitat, mais on réduit
également les charges sur l'environnement. Les bâtiments conçus
selon le concept Minergie consomment environ le tiers d'un bâtiment
moyen, et cela avec un surcoût très faible (de l'ordre de
quelques pour-cent).
Les services de l'énergie cantonaux donneront plus de renseignements
aux personnes intéressées par ce sujet.